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Rien ne va plus : les émissions carbone battent des records mondiaux

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Malgré toutes les alertes des scientifiques, les marches pour le climat, la sensibilisation croissante des opinions publiques, les protestations des jeunes et des moins jeunes, les beaux discours des gouvernants et les belles palabres des industriels, le monde continue à marcher sur la tête. Les experts mondiaux de l’énergie ont publié ce 25 mars de sombres conclusions selon lesquelles non seulement les émissions de dioxyde de carbone qui réchauffent la planète continuent d’augmenter, mais la soif croissante d’énergie dans le monde a entraîné des émissions plus élevées que jamais dans les centrales thermiques au charbon.
 
Selon le rapport de l’Agence internationale de l’énergie (IEA), la demande d’énergie dans le monde a augmenté de 2,3 % au cours de l’année écoulée, ce qui représente l’augmentation la plus rapide depuis une décennie. Pour répondre à cette demande, alimentée en grande partie par une économie en plein essor, les pays se sont tournés vers un large éventail de sources, dont les énergies renouvelables. Mais ce sont les combustibles fossiles, qui ont satisfait près de 70 % de la demande d’électricité.
 
L’agence, qui analyse les tendances énergétiques au nom de 30 pays membres, dont les États-Unis, s’inquiète notamment d’un parc de centrales au charbon relativement jeunes situées en Asie, dont la durée de vie est de plusieurs décennies, qui a ouvert la voie à un record d’émissions, enregistré « pour la première fois », de plus de 10 milliards de tonnes de dioxyde de carbone.
En Asie, « les usines moyennes n’ont que 12 ans, soit des décennies de moins que leur durée de vie économique moyenne d’environ 40 ans » tient à souligner l’agence. En conséquence, les émissions de gaz à effet de serre provenant de l’utilisation de l’énergie fossile – de loin la source la plus importante – ont bondi en 2018, atteignant un niveau record de 33,1 milliards de tonnes.
Les émissions ont augmenté de 1,7 %, ce qui est nettement supérieur à la moyenne depuis 2010. Selon l’organisme, si l’on ne prend que la part correspondant à la croissance des émissions mondiales en 2018, elles ont été « équivalentes au total des émissions de l’aviation internationale ».
 

Des politiques lamentablement inadéquates

Le rapport du 25 mars souligne une vérité troublante sur les efforts collectifs déployés dans le monde pour lutter contre le changement climatique : alors même que les énergies renouvelables se développent rapidement, de nombreux pays – y compris les États-Unis et la Chine – se tournent encore vers les combustibles fossiles pour satisfaire une demande énergétique sans cesse croissante.
Michael Mehling, directeur adjoint du Center for Energy and Environmental Policy Research du Massachusetts Institute of Technology, confie au Washington Post que ces conclusions sont très inquiétantes : « Pour moi, tout cela reflète le fait que les politiques climatiques dans le monde, en dépit de quelques poches limitées de progrès, restent lamentablement inadéquates ».Visant les politiques de la plupart des gouvernements mondiaux, il affirme que les mesures qu’ils mettent en œuvre dans la transition énergétique  « ne sont même pas assez robustes pour compenser l’augmentation des émissions résultant de l’expansion économique, en particulier dans les pays en développement, et encore moins pour encourager la décarbonisation à des niveaux correspondant aux objectifs de stabilisation de la température que nous nous sommes fixés dans l’Accord de Paris. »
Michael Mehling se demande même si l’Accord de Paris sur le climat a vraiment la capacité d’obliger les nations à tenir leurs promesses et à accélérer les mesures climatiques au fil du temps.
 

Mission impossible

Le rapport de l’agence souligne clairement que surmonter ce problème des émissions carbone s’avèrera très compliqué. La Chine, par exemple, a répondu à une demande accrue d’énergie l’an dernier grâce à une nouvelle génération d’énergies renouvelables. Mais elle comptait beaucoup plus sur le gaz naturel, le charbon et le pétrole. En Inde, environ la moitié de la nouvelle demande a également été satisfaite par des centrales au charbon. Aux États-Unis, en revanche, le charbon est en déclin, mais la majeure partie de l’augmentation de la demande d’énergie dans ce pays a néanmoins été alimentée par la combustion du gaz naturel, plutôt que par les énergies renouvelables. Certes, le gaz naturel émet moins de dioxyde de carbone que le charbon lorsqu’il est brûlé, mais c’est quand même un combustible fossile qui produit encore des émissions importantes.
 
Pour éviter de sombrer dans le pessimisme le plus noir, le rapport souligne quelques nouvelles positives. En effet, les chiffres montrent qu’à mesure que les énergies renouvelables et le gaz naturel ont augmenté, la part du charbon dans l’ensemble du mix énergétique a diminué. Mais cette vision des choses ne peut occulter le fait que le recours aux énergies fossiles en général, et au charbon en particulier, est sur une tendance en totale contradiction avec les préconisations des scientifiques. En effet, dans un important rapport publié l’an dernier, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations Unies a formellement établi que les émissions mondiales devraient être réduites de près de moitié, d’ici 2030, pour préserver une chance de maintenir le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius. C’est le minimum vital. Pour y parvenir, il faudrait mettre en œuvre des réductions annuelles extrêmement rapides des émissions, mais au lieu de cela, le monde continue d’enregistrer des niveaux records.
Si l’on observe seulement la part du charbon, l’agence rappelle que pour limiter la hausse des températures mondiales, il faudrait que la consommation de ce minerai baisse de 78% en un peu plus de dix ans. C’est tout le contraire qui se passe : les émissions liées au charbon continuent de grimper de plus belle.
 

Efforts et espoirs sont éclipsés

Le plus triste dans cette affaire, c’est que les efforts portés sur l’éolien et le solaire, même s’ils sont significatifs, sont éclipsés par la dépendance actuelle du monde aux énergies fossiles. « La croissance des fossiles est encore plus forte que celle des énergies renouvelables », déclare au Washington Post Rob Jackson, professeur de sciences du système terrestre à l’Université de Stanford. Il ajoute que peu de pays tiennent les promesses qu’ils ont faites dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat. « Ce qui est décourageant, confie-t-il, c’est que les émissions aux États-Unis et en Europe augmentent également. »
 
Les résultats de ce nouveau rapport réduisent à néant les espoirs antérieurs selon lesquels les émissions mondiales pourraient se stabiliser et commencer à diminuer. De 2014 à 2016, elles ont légèrement diminué, et les émissions de charbon en particulier ont également diminué. Mais avec une reprise de la croissance en 2017 et des sommets records en 2018, le virage en matière d’émissions n’est toujours pas en vue. De ce fait, l’optimisme du début de la décennie s’est largement dissipé. Les efforts internationaux de lutte contre le changement climatique ont eu du mal à maintenir leur élan et l’Amérique de Donald Trump a mis en œuvre une inversion de ses priorités.
« Nous sommes dans le pétrin », s’exclame le professeur Jackson au sujet des conclusions du rapport. « Les conséquences climatiques sont catastrophiques. Je n’utilise pas ce genre de mot très souvent. Mais nous nous dirigeons vers le désastre, et personne ne semble être capable de ralentir les choses. »
Source : Washington Post
 

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